Récit de rando sur le GR5 de Sollières à Larche

Précédemment, de St Gingolph à Sollières
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    Le 16-07-11    De Sollières au col de la vallée étroite

Je reprends le chemin du petit bonheur pour descendre la vallée de la Maurienne. Le chemin marque toute fois un écart en remontant à la Norma pour descendre ensuite à Modane. J'emprunte la voie la plus rapide sous la forme d'un sentier très escarpé dans une gorge, passant devant un panneau indiquant que le sentier est submergé en cas de forte pluie. Pas de problème aujourd'hui et je retrouve un ami à Modane. Pause, douche, pizza, je ne vais pas faire une grosse étape aujourd'hui.

Un programme chargé m'attend cet après-midi : départ Modane 1100m, arrivée col de la vallée étroite 2434m. Ca nous fait donc 1300m de dénivelée d'une traite, c'est parti.

La montée des lacets de Valfréjus se fait au son des pétaradèrents de grosses cylindrées : il y a un rassemblement de Harley Davidson à la station, avec concert, tatouages et blousons noirs. Je traverse la foule, habillé en noir certes, mais il y a un gouffre entre le style vestimentaire des bikers et le mien...

Plus je monte et plus la vallée, étroite à basse altitude, s'ouvre largement vers le haut. Les couleurs y sont magnifiques, avec des contrastes de rochers noirs et ocres qui dominent les prairies alpines. Sur ma droite, le mont Thabor domine l'arc de cercle formé par les crêtes.

Les nuages s'assombrissent et il se met à pleuvoir dès le col passé. Je redescends à peine dans la vallée étroite avant de trouver un endroit moelleux pour y installer mon bivouac en vitesse, sous la pluie. Je suis certes à 2400m, mais une croupe m'abritera du vent et je devrais passer une bonne nuit. 
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    Le 17-07-11    Du col de la vallée étroite à Chantemerle

Il a plu une bonne partie de la nuit, ce qui, en bivouac, est très désagréable. D'une part le bruit des gouttes sur la toile n'aide pas à trouver le sommeil profond, mais à cela s'ajoute une question qui tourne en boucle dans la tête : est-ce qu'il va pleuvoir demain matin ? Mon Iphone m'a prédit une journée agrémentée de pluie et de pluie forte, donc je n'ai guère d'espoirs.

Au réveil, le plafond nuageux est bas, mais il ne pleut pas. Je décide quand même de chausser mes chaussettes étanches pour éviter d'avoir les pieds mouillés toute la journée. La descente de la vallée étroite est agréable, entre alpages et mélèzes et seuls les nuages gâchent le paysage.

Arrivé à un hameau de refuges, le GR5 oblique à droite pour la montée au col de Thure. Le chemin est balisé par des banderoles skyrace en plus des marques du GR et bientôt les premiers coureurs me doublent dans la montée. Arrivé sur le haut, le temps se dégrade, il se met à pleuvoir et le brouillard m'enveloppe. Les coureurs de la skyrace subissent la pluie et la boue tout comme moi, avec juste un peu plus d'éclaboussures.

Dans la descente, le torrent de Robiou, annoncé comme souvent à sec dans le topo, est devenue torrent de bous la semaine passée et a submergé la piste forestière et le pont qui l'enjambe. Je marche donc sur la boue et les cailloux qu'il a charrié, en faisant toujours attention aux coureurs qui arrivent derrière moi et me doublent régulièrement depuis maintenant 3 heures. J'arrive à Nevache bien déçu. On m'avait dit plein de belles choses sur ce village et la vallée, mais le brouillard et la pluie gâchent tout tant la visibilité est réduite.

Il reste une bosse (800m de dénivelée quand même) à passer pour arriver à Briançon, mon prochain point de ravitaillement. Mais les éléments naturels se combinent pour transformer l'après-midi en cauchemar : le brouillard se densifie, il pleut de plus en plus, chaque sentier se transforme en torrent et le vent se lève. Dans ces conditions, je suis surpris de l'efficacité de mes chaussettes imperméables et mes pieds restent à peu près au sec. La montée vers la Porte de Cristol se fait les pieds dans l'eau qui ruisselle sur le sentier et je suis accueilli au sommet par des bourrasques de vent fort. Il fait froid, je suis à 2483m et je n'attends plus que la neige.

Le GR5C suit une crête dénudée entre 2400m et 2600m avant de descendre sur Briançon. Vu les conditions météo, je me dis qu'il est trop dangereux de se lancer là-dedans, sans possibilité de bivouac sur les pentes de la Grande Peyrolle. Je fais donc le choix raisonné de rejoindre le col de Granon (2404m) et de prendre le premier chemin qui redescend dans la vallée. Je traverse des champs imbibés d'eau, descend des sentiers devenus torrents, et baisse la tête sous la pluie. Heureusement que j'ai de la volonté car je depuis 7 heures sous la pluie et cette fin de journée n'est pas facile. J'arrive finalement à Chantemerle, commune de Serre-Chevalier et trouve une ravissante chambre d'hôte. Ce soir je vais pouvoir me doucher, faire sécher mes affaires et dormir dans un lit. 
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    Le 18-07-11    De Chantemerle au lac de Roue

Après une bonne nuit, je prends un bon petit-déjeuner face aux montagnes puis je me mets en route pour rejoindre Briançon, où je dois ravitailler et retrouver le GR5. La citadelle Vauban me sert de point de mire.

Le GR s'élève à nouveau le long du torrent des Ayes, pente régulière jusqu'au col du même nom. Il fait un temps magnifique, preuve que le temps change vite en montagne.

Je suis parti assez tard ce matin, mais comme je voyage léger, je rattrappe du monde sur la fin de l'ascension. Les arbres disparaissent et après une transition de prairies, les cailloux se font de plus en plus présents.

Le paysage était vraiment magnifique à la montée, mais l'est un peu moins à la descente. La végétation a bien changé depuis la Vanoise, on arrive dans le sud, l'environnement est beaucoup plus sec.

Après un passage assez long sur du bitume, je m'engage dans la dernière côte de la journée, pour atteindre le lac de Roue. Une fois sur place, je me rends compte que c'est une sortie prisée des familles, et il y a encore beaucoup de promeneurs sur le chemin qui en fait le tour. Je m'enfonce donc un peu dans la forêt pour être plus tranquile. Et bien m'en a pris : les sous-bois sont plein de fraises des bois ! 
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    Le 19-07-11    Du lac de Roue à Ceillac

Ce matin, je m'engage dans une descente et commence à apercevoir le magnifique Chateau-Queyras à la faveur de quelques trouées à travers les mélèzes. Le temps est gris alors que la météo annonçait de la pluie. J'ai hésité mais je n'ai pas mis mes chaussettes étanches et j'en profite pour prendre des photos du château avant que d'éventuels nuages ne bouchent toute visibilité.

Mais dès le village traversé, les premières gouttes se mettent à tomber. Je fais un arrêt aux stands pour passer en configuration pluie :  chaussettes imperméables, fuseau long et poncho. Et je m'engage dans les 1000m de montée jusqu'au col Fromage.

Le chemin serpente dans les alpages parallèlement au torrent. Il se met à pleuvoir très fort, mais je ne m'inquiète pas trop car je prévoie d'arriver au col vers midi et je sais qu'il y a une baraque en mauvais état qui sert d'abri. Je pourrai donc manger au sec et à l'abri du vent.

Arrivé au col, c'est avec soulagement que je trouve l'abri. Non seulement il pleut, mais en plus il fait froid et il vente. Je lance ma popote pour manger chaud. A peine ai-je terminé mes abricots secs, que le brouillard remonte de la vallée pour submerger le col et la pluie se transforme en neige. Hé oui, il neige le 19 juillet ! Je trouve l'idée de redescendre sur la neige peu engageante, surtout que je ne suis pas sûr du marquage du GR. Je plie donc rapidement mon barda et entame la descente avant que tout ne soit recouvert d'un tapis neigeux.

Dans ma tête je fais le point : je vais passer par Ceillac où je dois ravitailler et où je pourrais certainement trouver un toit pour la nuit. Je n'ai pas marché grand chose aujourd'hui, mais d'un autre côté j'ai plus d'une demi-journée d'avance sur mes prévisions. Après Ceillac se trouve le lac miroir ; j'en ai vu de tellement belles photos que j'ai vraiment envie d'y passer un jour de beau temps. Mais ce qui fera la différence, c'est que le topo annonce 5h de montée après Ceillac pour arriver au col Girardin, à 2700m. Trop risquer de s'y engager aujourd'hui, la neige y tombe sûrement déjà.

Je choisis donc de m'arrêter à Ceillac pour la nuit. Il pleut des trombes d'eau tandis que j'erre dans les rues du village à la recherche d'un toit. Je trouve finalement un gîte d'étape où je réserve une nuit, un repas et un petit-déjeuner. Puis je tourne en rond en jetant des coups d'oeil aux sommets alentours pour voir si la neige tient. 
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    Le 20-07-11    De Ceillac au vallon de Plate Lombarde

Ce matin, alors que je prends mon petit-déjeuner, je vois bien que les pentes sont blanches jusqu'à une limite assez basse. Je sais que je dois passer à 2700m et je me fais une raison, je vais certainement marcher sur la neige aujourd'hui ; il va falloir être prudent. Je quitte donc Ceillac pour me lancer dans une grosse montée avec la satisfaction de savoir que je vais passer au lac miroir par beau temps.

Avec la neige sur les sommets, les photos sont magnifiques. Mais dès le lac miroir passé (2214m), la neige fait son apparition sur les bords du chemin. Je lève alors la tête pour me rendre compte que je fais face à une barrière enneigée. J'ai étudié la cartographie hier et j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas de chemin par lequel je pourrais contourner le col Girardin à plus basse altitude. Il va donc falloir passer.

Le lac Sainte Anne passé, la neige est présente sur le chemin. Je me lance donc dans un dernier mur de 200m de dénivelée. La pente est raide mais la neige n'est pas transformée et tient bien sous les pieds. Bientôt la neige m'arrive au dessus de la cheville et le vent devient très fort à l'approche du col, mais je pousse jusqu'au bout. De l'autre côté, face au sud, la neige est déjà soupe et chaque pas marque un splash qui trempe mes chaussures mais surtout est très glissante.

Je descend maintenant la vallée de l'Ubaye et j'ai vraiment l'impression d'être dans le midi, tout est vraiment plus sec. Et quelle différence avec la Vanoise la semaine dernière ! Lors de ma pause repas, un randonneur me remercie pour la trace dans la montée du col Girardin. Visiblement nous sommes les deux seuls à être passés, alors que nous randonnons tous les deux en chaussures de trail tiges basses. Léger quoi.

Je passe par l'impressionnant pont du Châtelet pour passer dans la vallée adjacente. En poussant un peu je pourrais presque arriver à Larche ce soir, mais j'y suis attendu demain, donc je plante le bivouac de bonne heure dans le vallon de Plate Lombarde. 
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    Le 21-07-11    Du vallon de Plate Lombarde à Larche

Ce matin tout est gelé blanc et même en faisant vite, le démontage du bivouac me glace les mains. J'entame ensuite la montée, alors que le soleil n'a pas encore réussi à surpasser les crêtes à l'est.

Le Vallonnet, entre les cols du Vallonnet et de Mallemort, est vraiment un environnement magnifique et reposant, mélangeant prairies et eau avec harmonie. Bientôt j'arrive aux baraquements de Viraysse constitués d'une caserne à 2500m et un fort à 2700m d'altitude. Et j'ai une pensée pour ces soldats qui les ont construits, mais surtout pour ceux qui y ont été cantonnés, été comme hivers, à cette altitude et en face nord...

Un virage à 90° à droite et Larche se dévoile, petit troupeau de maisons en fond de vallée. Ca y est, il ne reste plus qu'à descendre et ma semaine se termine.

Reste une dernière galère à surmonter : rejoindre la gare de Gap. En effet, il faut passer par Barcelonnette et la seule navette qui y va roule les samedis uniquement. Mon plan est le suivant : faire 25km de stop jusqu'à Barcelonnette où je dois être hébergé pour la nuit. Ensuite, le lendemain, faire 75km de stop jusqu'à Gap pour aller prendre mon train. Missions réussie.


La suite, de Larche à Menton