Récit de rando sur le GR5 de Wissembourg à Aubure

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    Le 31-07-07    Wissenbourg au col de Hichtenbach

Et c'est presque un an jour pour jour que je m'engage de nouveau sur le GR5. Mais cette année il y a eu des améliorations dans la préparation (expérience oblige) : mon sac est beaucoup plus léger ! Globalement il est constitué de 3kg de nourriture + 3.5L d'eau + 7kg de matos, ces données vont en plus diminuer au fil de ma progression. C'est génial, c'est aujourd'hui que mon sac est le plus lourd et je n'ai même pas mal aux épaules. Ca va bien se passer.

Ah l'aventure ! Elle commence dès qu'on franchit le seuil de sa maison dit-on. Il m'a quand même fallu attendre Strasbourg, où mon train est arrivé avec 15 minutes de retard, suffisant pour louper ma correspondance pour Wissembourg (merci la SNCF). Bilan : 1h30 à attendre et un repas à prendre comme un clochard à la gare, loin des grands sapins de la forêt noire. J'arrive finalement à 13h30 au départ du GR.

Et c'est tout de suite le paradis du randonneur : il y a des mures et des mirabelles le long du sentier.  Quel dommage de ne pas avoir emmené du sucre pour faire des confitures !

Quelques kilomètres plus loin, le plaisir de surprendre un renard gambadant oreilles et queue dressées sur le chemin de la rando.

Et puis cette partie du GR est aussi celle du patrimoine : on se promène de châteaux en chateaux. Et c'est la fête médiévale à Loewenstein, des charbonniers font la démonstration de la production de charbon de bois, au milieu d'une épaisse fumée.

Et puis c'est le château de Fleckenstein, château troglodytique construit en partie dans le rocher et en partie accoché à la falaise, vraiment impressionnant.

En fin d'après-midi, je décide de pousser jusqu'au col de Hichtenback pour passer la nuit dans l'abri qui est annoncé sur la carte. Ce n'est ni l'hôtel ni un refuge mais l'installation est quand même plus aisée que sous tarp, et puis il y a un banc bien agréable pour passer la soirée et le repas.

Mais je ne suis pas seul dans cet abri : il y a des souris qui souhaiteraient bien le partager avec moi, ainsi que ma bouffe j'imagine... J'essaie au début de ne pas y prêter trop d'attention, en fin de compte elles font juste un peu de bruit. Mais elles dépassent les bornes quand elles montent sur mon bonnet ! Alors je fais du bruit, j'éclaire un peu partout, bref je ne fais que ça pendant un bon moment. 
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    Le 01-08-07    Col de Hichtenbach à Lichtenberg

Réveil 6h30, départ 7h. Et je rencontre à ces fraîches heures de la journée un chevreuil qui luis aussi suit le sentier de grande randonnée, mais qui a tôt fait de le quitter dès qu'il m'aperçoit.

J'arrive à Windstein qui a la particularité d'avoir compté de nombreux ouvrages défensifs à quelques centaines de mètres de distance : le vieux château, le château-neuf et une casemate que je ne verrai pas. Le château-neuf est particulièrement sympathique, même s'il ne reste que son ossature. Il a été construit plus comme résidence imposante que comme défense.

J'arrive à Niederbronn juste avant la fermeture de la Coop, timing parfait. Les courses faites, je profite d'un joli parc de cette cité thermale pour faire la pause casse-croûte.

Et à peine 1km plus loin, un nouveau château. Moi qui suis amoureux des vieilles pierres, je suis comblé. Et un peu plus loin la tour de Wassenkoepfel est juste assez grande pour casser les pattes mais juste trop petite pour offrir une belle vue au dessus des grands arbres, dommage.

Je dérange encore 2 chevreuils, dont l'un s'était accoutré d'une couronne de lierre dans les bois. Je ne saurai pas si ça a eu son effet sur sa partenaire.

Chose à laquelle je ne m'attendais pas : les chemins sont plein de sable, et mes chaussettes aussi ! Le grès rose qu'on trouve dans la région est en fait très friable et l'érosion y arrache des grains de sables.  Si bien que par moment on a l'impression de randonner dans les Landes : chemin de sable au milieu d'une pinède, surprenant.

En fin d'après-midi j'aperçois encore un renard. Mais à ce moment je suis plus préoccupé par les ampoules qui se sont développées sous mes talons. Elles se sont étendues au fil de la journée et il n'y a pas grand chose à faire, mais je vais traiter ça ce soir.

Je m'arrête à quelques pas de Lichtenberg, j'aperçois d'ailleurs le donjon du château qui sort des arbres. Et il y a dans le champ d'à côté des vaches écossaises, que j'ai pu voir il y a quelques jours chez elles, car je suis rentré d'Ecosse il y a 2 jours. Je perce mes ampoules. La douleur a été supportable jusqu'à maintenant et j'espère qu'avec le repos de la nuit ça ira demain. 
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    Le 02-08-07    Lichtenberg à Saverne

Il se met à pleuvoir à 5h10 et déjà les mauvais souvenirs de 2006 me reviennent en tête. Mais à 6h tout est fini, le plafond nuageux est fournit et il y a un vent pas possible, mais je suis sec.

Et je continue mon tour des sites historiques avec le château de Lichtenberg et la ville fortifiée de La Petite Pierre plus tard dans la journée.

Mais mon principal souci reste mes ampoules. Non pas que j'en aie plein aux pieds, non, j'en ai simplement une sous chaque talon. Et autant les petites ampoules vers les orteils guérissent relativement rapidement une fois percées, autant là je ne peux pas éviter de marcher sur ces ampoules. Et je jongle vraiment. Mais abnégation et dévouement sont les qualités d'un bon Padawan...

On dirait qu'une tempête se prépare, mais pour le moment les nuages défilent rapidement à cause du vent. Je vais finalement peut être réussir à passer au travers.

Je passe voir les fameuses (d'après le topoguide) maisons troglodytiques de Grauthal et le rocher du saut du Prince Charles, accompagné d'une légende : Charles le duc de Lorraine, un jour poursuivi par des ennemis aurait sauté cette falaise de 15m avec son cheval sans se faire mal et poursuivi sa course effrénée.

J'arrive à Saverne et je sens bien que mes pieds se décomposent sous la peau des ampoules. Dans un dernier élan de bonne volonté je prends une chambre à l'hôtel avec l'espoir qu'une bonne nuit de repos me permette de reprendre le chemin demain, quitte à marcher moins loin pendant quelques jours.

Mais il faut me rendre à l'évidence : c'est la fin pour cette année, j'ai tellement insisté sur les talons que la chair sous les ampoules est bouffée et suppure. C'est bien triste et j'en ai presque la larme à l'oeil. Arrêter si tôt, c'est pas normal. J'étais bien parti, ayant fait 95km en 2 jours et demi et j'avais déjà avancé d'un jour ma date prévisionnelle de retour. Et les jambes suivaient bien. Mais là je tiens à peine debout tant mes talons sont douloureux. J'ai peut être attaqué trop fort...

Je me rends à la gare en marchant sur la pointe des pieds et en serrant les dents. C'est l'été et presque tous les trains pour le sud sont plein, journée galère en prévision...

Rendez-vous dès que peut pour faire les 330km qu'il me reste à faire dans les Vosges. 
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    Le 30-09-07    Saverne au Nideck

Après de longues heures d'attente pas très confortable dans un train de nuit, me revoilà sur le GR5. Mon sac à dos est légèrement plus lourd, car j'ai prévu un temps maussade et des températures plus froides (notamment la nuit) que cet été.

Le chemin de randonnée repart de château en château et il me faut moins d'une heure pour arriver au premier : Haut-Barr, construit sur 3 gros rochers de 30 mètres de haut, splendide.

Puis je suis la ligne de crète, passe par la table des sorcières où je rattrape 3 cyclistes que j'ai déjà vu à Haut-Bar ! Ah quel plaisir de randonner léger (mon sac est rempli avec 3 jours de bouffe et à toc de flotte et ne dépasse pas les 14kg). Ils me doubleront dans la descente sans que je ne les revoie.

Je passe une tour du télégraphe de Chappe, l'ancêtre de la radio en quelque sorte, constitué à l'époque de 46 stations et utilisé de 1798 à 1852. J'arrive à la tour belvédère du Brotschberg et il y fait un vent terrible. Le temps de prendre 2 photo, je redescends frigorifié en me disant que j'ai bien fait d'emporter mon duvet -20.

Du haut de la tour j'aperçois un château qui promet d'être magnifique. Quelques kilomètre plus tard, après avoir emprunté un petit sentier empierré du plus joli effet pour monter à La Hoube, je me rends compte en approchant qu'il s'agit du rocher de Dabo, effectivement site magnifique. Et de me rappeler qu'il est une étape dans la fameuse chasse au trésor de la chouette d'or, statuette de 1 000 000 de francs, enterrée depuis 5278 jours. Avis aux amateurs éclairés...

Je longe Wangenbourg sans y pénétrer et donc sans passer au pied de son château, modeste. Face à moi se dresse la première difficulté du parcours : le sommet du Schneeberg qui tutoie les 1000m. Au sommet se trouve un refuge non gardé et j'espère bien pouvoir en profiter.

J'arrive au dit refuge à 17h15 mais je déchante : une bande de jeunes (qui ne se fendent pas la gueule) ont décidé de faire une soirée en altitude, avec force boisson. Leur activité nocturne étant incompatible avec la mienne, je décide de pousser un peu plus loin pour installer mon premier bivouac.

Du sommet il faut que je redescende pour trouver un endroit plat où m'installé et c'est chose faite au Nideck vers 1800. Je peaufine mon installation car la météo avant de partir m'annonçait un réveil par 6°, glagla.

Après m'être étiré correctement, les derniers instants de lumière sont mis à profit pour jauger la distance à parcourir ces 6 prochains jours pour arriver à Thann.
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    Le 01-10-07    Nideck au champ du Messin

Levé 7h, départ 7h45. Quelques minutes plus tard, me voilà au château du Nideck, peu de ruines sauf un donjon dont j'accès est interdit. Ce matin je décide de prendre un raccourci pour éviter une grande boucle du GR pour passer à Urmatt : je n'ai pas besoin de passer en ville car j'ai encore 2 jours de nourriture et il n'y a rien de particulier sur le parcours. J'estime gagner ainsi 2h.

Je passe donc par Gensbourg et quelques routes forestières pour retrouver le GR à la porte de pierre, roche curieusement excavée qui lui donne l'aspect d'une porte, au sommet du Grand Katzenberg.

Ce tronçon, entre la porte de pierre et le Donon est très fréquenté et je ne suis pas tout seul. Cela dit, ce sont des randonneurs à la journée qui n'ont pas idée que je vais dormir dehors et m'arrêter dans 200km...

Les difficultés s'enchaînent, après quelques kilomètres de descente, il me faut remonter au sommet du Donon. Mais l'endroit vaut le détour : vue magnifique à 360°, je m'arrête manger au temple (de construction récente).

L'autre versant du Donon est un important centre culturel celte. On y trouve les vestiges de temples, sculptures, puit, stèles votives et chemins pavés.

Après tous les efforts pour m'élever depuis ce matin, me voilà rendu à Schirmeck, 315m, quelle déception, d'autant que j'ai prévu de passer la nuit sur une aire dégagée à plus de 1000m...

En chemin je passe à Struthof et son camp de concentration (plus de 30 000 victimes), son cimetière, son monument et son musée. C'est tout de même impressionnant de voir ça en vrai.

Comment est-ce possible, je ne le sais pas, mais toujours est-il que je me perds à 2 ou 3km de l'arrivée. J'erre pendant quelques dizaines de minutes au travers des pistes forestières plus ou moins bien marquées, cherchant le champ du Messin et sa fontaine où je dois absolument ravitailler.

J'arrive finalement à faire le plein d'eau à la fontaine et à m'installer pour la nuit, en prenant bien soin de monter mon tarp en opposition au vent dominant, qui souffle assez fort.
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    Le 02-10-07    champ du Messin à Kaesmarkt

Pour une nuit passée en plein découvert à plus de 1000m, j'ai eu chaud, trop chaud même. Un point pour râler quand même, il y a plein de rosée.

Après quelques kilomètres sur le plateau, je prends de nouveau quelques libertés par rapport au tracé du GR5 : en effet, je préfère passer par une voie romaine que de descendre à Hohwald alors que je n'ai rien à y faire. Mais je suis un peu déçu par cette voie des bornes, elle n'est pas pavée comme on peut le voir dans nos livres d'histoire. Par contre, le tracé est marqué par 2 bornes tous les 100m, numérotées de 92 à 46 pour la partie que j'ai emprunté sur plus de 4km.

Après une légère remontée, le franchissement du mur païen, peu avant 11h, j'arrive sur le chemin de croix du couvent du Mont Sainte Odile. D'ailleurs j'entends déjà les cloches sonner... Vue magnifique depuis ce rocher sur la plaine.

Je croise mon premier gibier, un chevreuil qui détale devant moi. Et un peu plus loin, sur une piste de bûcherons, c'est un cerf, majestueux, qui m'observe un instant, avant de disparaître sans un bruit. La redescente offre une belle surprise à l'approche de Barr : changement complet de paysage, les vignes ont remplacé les conifères.

Après un repas à Barr, repas qui commence à avoir un goût habituel (saucisson et semoule depuis 3 jours), je repars sur les chemins à travers les vignes. La météo et le paysage feraient presque oublier qu'on est au mois d'octobre. Une dizaine de vendangeurs sont attablés, ayant troqué leur sécateur pour un opinel. J'arrive au moment du dessert et ils m'offrent un morceau de gâteau, arrosé d'un coup de schnaps.

J'arrive à Andlau à 13h57, mais la Coop n'ouvre pas à 14h mais 15h. Pétard, il me reste pas grand chose à manger (plus de saucisson notamment) mais j'ai pas envie de poireauter 1h. Tant pis je repars.

Mais je fais une nouvelle pause après quelques mètres, Je me rends compte que la semelle d'une de mes chaussures se décolle par l'avant. Mon kit de réparation se réduisant à pas grand chose, j'y mets une bande de sparadrap en attendant de pouvoir acheter de la colle forte dans un prochain village. Rien ne m'arrêtera.

Pour cette fin d'après-midi, il me reste une grosse montée à franchir. Chemin faisant, je ramasse quelques châtaignes pour améliorer mon repas de ce soir. En pleine forêt, le GR semble disparaître : un troupeau de bûcheron est passé par là et ils n'ont rien nettoyé. Je manque de me casser la figure ou me tordre la cheville plusieurs fois, mais rien ne m'arrêtera j'ai dit !

Finalement j'ai marché bien vite et je poursuis jusqu'au carrefour de Kaesmarkt, pour clôturer cette étape marathon, où je pourrai passer la nuit sous un abri forestier. Le repas n'est pas très goûtu, mais il  rempli le ventre. Il faudra absolument faire le ravitaillement demain.
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    Le 03-10-07    Kaesmarkt à Aubure

Une nuit passée sous abri offre quelques avantages, mais d'un autre côté qu'est-ce que le sol est dur, ah. Et pour ajouter au manque de confort, je dors à côté de mes chaussures, où j'ai l'impression qu'on y a mis des saucissons à sécher.

Le programme de mes journées est maintenant bien réglé : +/- 9h de marche, 3 pauses de 5 à 10 minutes par demi-journée, 1h à midi et dodo de 19h à 7h le lendemain. Ce matin, je prends quelques minutes pour remettre du sparadrap neuf sur mes semelles. Peine perdue. Dans la boue et la rosée matinale, il se décolle en moins d'une heure. Je fais mon maximum pour ne pas buter dans des pierres ou autres racines.

Et 2 châteaux de plus ! Le Bernstein et l'Ortenbourg. Ce dernier, sur un piton rocheux est le plus impressionnant mais n'est pas accessible.  Je quitte la forêt pour quelques kilomètres, pour passer dans les vignes de Châtenois, dont l'église est entourée d'un cimetière fortifié.

Et déjà une nouvelle montée se profile, au départ coteaux ensoleillés, puis retour en forêt pour atteindre le Haut-Koenigsbourg. Seul château fort d'Alsace reconstruit, il constitue un ensemble impressionnant et à fière allure.

Après être redescendu, j'arrivé à Thannenkirck, charmante bourgade, où je me ravitaille et j'achète en même temps de la colle forte. Mais mon repas avalé, ma semelle se redécolle après quelques centaines de mètres.

Une bosse plus loin et me voilà à Ribeauvillé, sans avoir manqué ses 3 châteaux, rien que ça. Le plus élevé propose un donjon et une enceinte très ruinée. Saint Ulrich par contre est encore très impressionnant, avec une belle salle des chevaliers et une vue sur Guisberg, accroché au sommet d'une paroi rocheuse. J'ai déjà payé pour visiter des châteaux plus ruinés que celui-là.

Ribeauvillé possède en plus un centre-ville  coloré et très fleuri. Mais ma tête a déjà un temps d'avance et calcule le temps de montée au Koenigsstuhl tout en examinant la carte à la recherche d'une zone où bivouaquer.

Je choisis l'option qui vise à gagner encore une bonne demi-heure. Autant forcer aujourd'hui qu'il fait beau, en prévision d'une étape prochaine où la pluie pourrait me ralentir. J'enchaîne donc la montée à fond de train.

J'arrive finalement à l'entrée d'Aubure pour monter mon tarp. Le topoguide sous-estime ma vitesse de marche, d'autant que mon sac est très léger et ne me gêne pas du tout. Aujourd'hui j'ai parcouru 38km, donnés par le topo pour une durée de 10h40.


La suite, de Aubure à Montbéliard